Julia Minson et Benoît Monin sont deux psychosociologues étasuniens. Dans un article publié en 2012, ils décrivent l’étude qu’ils ont menée pour tester une explication possible de l’aversion que certains omnivores éprouvent pour les végétariens : il pourrait s’agir d’un mécanisme de défense face à l’anticipation d’un reproche moral. Cette étude sera décrite dans la section 2 de ce billet. Auparavant (section 1), je présenterai les grandes lignes d’un article de Benoît Monin paru en 2007 qui traite, de façon plus générale, des réactions négatives associées à un sentiment d’infériorité morale. Enfin (section 3), il sera question d’un aspect particulier des études présentées dans un article de Earle et al. paru en 2017 qui pourrait avoir un rapport avec ce sentiment.

1. Effets du sentiment d’infériorité morale (Monin, 2007)

Monin rappelle que diverses études ont montré que les gens accordent une grande importance à se voir eux-mêmes comme des personnes morales, et à être vu comme tels par les autres.

1.1. Le sentiment d’infériorité morale recouvre des cas distincts

Il arrive que l’on se juge soi-même moins moral qu’un tiers. Cela peut recouvrir deux dimensions (l’une ou l’autre, ou les deux à la fois) :

  • Je pense ou soupçonne qu’un autre a un meilleur jugement moral que moi : il sait mieux que moi ce qui est bien ou juste.
  • Je constate qu’un tiers applique mieux que moi ses principes moraux (qu’ils soient ou pas les mêmes que les miens) : il fait preuve de davantage de volonté, de force de caractère, pour se comporter effectivement comme il lui semble juste de le faire.

Je parlerai dans les cas précités d’infériorité morale interne. Il est question de la façon dont le sujet situe lui-même son niveau de moralité par rapport à un tiers (« Il me semble vrai ou possible que je sois moins moral qu’Untel ».)

Une situation différente est celle où le sujet suppose qu’un tiers s’estime plus moral que lui. Dans ce cas, je parlerai d’infériorité morale externe (Footnote: Les expressions « infériorité morale Interne/externe » ne sont pas employées par Monin). (« Je suis persuadé qu’Unetelle se croit meilleure que moi »). C’est cette configuration qui fait l’objet de l’étude de Minson et Monin qui sera présentée à la section 2, et qui fait craindre au sujet d’être l’objet d’un reproche moral. Notons que le domaine d’application du reproche moral anticipé est large :

  • Il n’est pas nécessaire pour cet effet ait lieu qu’un tiers m’adresse un reproche explicitement, ou me fasse sentir par son attitude qu’il porte un jugement défavorable sur moi. Le fait qu’il se comporte différemment de moi à cause des principes auxquels il adhère suffit à me faire songer qu’il pense que je suis moralement défaillante. « Le simple fait que des bien-pensants (do-gooders) disent fonder leur comportement sur des raisons éthiques constitue une mise en accusation implicite de ceux qui agissent différemment, parce que les règles morales sont par définition universelles et s’appliquent à tous » (Minson et Monin, 2012, p.200).
  • Il n’est pas nécessaire pour que l’effet « reproche moral anticipé » ait lieu que je pense qu’un tiers a raison, qu’il est plus proche que moi du jugement et du comportement éthique adéquat.
  • Il n’est même pas nécessaire que j’estime que le domaine où un tiers se comporte différemment de moi relève de l’éthique, du moment que cette personne (contrairement à moi) pense qu’il s’agit d’une question morale. Cela peut arriver dans le domaine des choix alimentaires. Monin donne également cet autre exemple : vous conduisez un gros SUV énergivore, et vous vous êtes persuadé qu’il n’y a rien de mal à cela. Vous pouvez néanmoins regarder de travers les conducteurs de voitures hybrides, du moment que vous imaginez qu’il s’agit de sales écologistes moralisateurs.

1.2. L’infériorité morale : inspirante ou irritante ?

Une personne que je reconnais comme moralement supérieure à moi peut m’inspirer des sentiments positifs : je l’admire ; je suis éblouie par sa générosité, sa sagesse, son courage ; je me sens tirée vers le haut ; elle est un exemple qui me pousse à m’améliorer. Ce sentiment peut facilement surgir à propos de personnalités connues et largement célébrées pour leurs qualités et accomplissements exceptionnels.

Mais le sentiment d’être en position d’infériorité morale (interne ou externe) peut aussi m’inspirer des sentiments négatifs : envie, jalousie, honte, animosité, colère… parce que je ressens le supérieur comme une menace pour l’image que j’ai de moi-même, ou pour l’image que les autres ont de moi. Le versant négatif a plus de chances de l’emporter lorsque celui qui m’est supérieur (ou me semble se prétendre tel) est très semblable à moi. Il m’est alors difficile d’attribuer la différence entre nous à des qualités hors du commun qu’il posséderait, ou aux circonstances non morales particulières de sa vie. Monin (2007) s’attache surtout à l’examen du cas où les sentiments négatifs l’emportent.

1.3. Pourquoi une comparaison morale défavorable peut être perçue comme une menace pour soi

  • De façon générale, il est désagréable d’être en position d’infériorité dans une comparaison sociale. Ce peut-être particulièrement douloureux lorsque c’est ma compétence morale (de jugement et d’action) qui est en cause, en raison de l’importance particulière de la moralité dans l’estime de soi.
  • La comparaison peut être perturbante parce qu’elle me met dans un état de confusion morale. J’étais tranquille dans mes certitudes, je croyais penser et agir bien. Et voilà que le constat que des tiers jugent mes choix moralement problématiques fait naître un doute dérangeant : « Et si j’avais tort ? ». Il se peut aussi que je découvre à cette occasion qu’il y a une façon de concevoir le comportement moral dont je ne soupçonnais même pas l’existence.
  • Enfin, la troisième menace perçue, « peut-être la plus importante de toutes » écrit Monin, vient de que je soupçonne un tiers de porter un jugement sur ma propre moralité. J’imagine qu’il m’adresse un reproche du fait même qu’il a choisi de se conduire différemment de moi, et ce reproche implicite est une source de ressentiment. C’est le cas du « reproche moral anticipé » qui a été évoqué plus haut.

1.4. Les réactions de défense

Lorsqu’une comparaison morale défavorable pour soi est perçue comme une menace, des stratégies défensives se mettent en place. Monin en distingue trois.

  • Nier que l’intention d’un tiers soit vertueuse. On ne conteste pas que l’action entreprise soit bonne, mais on l’attribue à des motivations moins altruistes qu’il n’y paraît. Exemple : « Mon voisin aide bénévolement des enfants handicapés, mais il le fait surtout pour avoir bonne réputation, ou parce qu’il n’a pas d’amis et n’a pas de meilleur moyen d’échapper à la solitude. »
  • Dévaloriser l’auteur de l’action vertueuse. On ne conteste pas qu’il soit bien intentionné, mais on le décrit comme incompétent : c’est un idéaliste naïf ; il ne comprend pas les réalités du monde ; il manque d’intelligence ou de bon sens.
  • Prendre ses distances, exprimer qu’on n’aime pas. Cette réaction ne fait pas intervenir d’arguments. On se contente de manifester ses préférences (en l’occurrence, de manifester le déplaisir que nous inspirent les personnes qui nous semblent une menace morale). Cela peut consister à leur attribuer une note d’appréciation plus faible dans des tests construits par des psychologues, ou à exprimer qu’ils nous irritent dans des conversations. On peut aussi s’en distancer physiquement en évitant de les fréquenter.

Voilà pour ce qui est des considérations générales de Benoît Monin sur les réactions à une comparaison morale défavorable pour soi. Tournons-nous maintenant vers la façon dont il a cherché à tester certaines d’entre elles avec sa collègue Julia Minson dans l’exemple de l’attitude des omnivores envers les végétariens (Footnote: L’article de Minson et Monin est paru en 2012, mais il a été rédigé en 2007. En effet, il figure dans la bibliographie de l’article de Monin (2007), mais est qualifié à l’époque de « manuscrit non publié ».).

2. Le reproche moral anticipé : deux études appliquées (Minson et Monin, 2012)

Pour Minson et Monin, l’attitude des omnivores envers les végétariens est un terrain propice à l’étude des effets du reproche moral anticipé. Ils sont apparemment convaincus que c’est un bon exemple pour observer spécifiquement les réactions à l’infériorité morale externe. Ils jugent en effet improbable les omnivores se mettent subitement à craindre qu’il soit réellement immoral de manger des animaux :

Manger de la viande est un comportement habituel, normal, que les gens ont adopté sans guère de scrupules depuis leur plus tendre enfance. Si les mangeurs de viande dévalorisent les végétariens, il est plus probable qu’ils le fassent en raison du ressentiment suscité par le reproche moral anticipé que parce qu’ils éprouvent une gêne quelconque à consommer de la viande (Minson et Monin, 2012, p.201).

Dans « Do-Gooder Derogation », les auteurs rendent compte de deux études menées via des questionnaires distribués à des étudiants omnivores.

2.1. Étude 1 : un questionnaire met en évidence l’effet « reproche moral anticipé »

47 étudiants omnivores d’une université étasunienne remplissent un questionnaire en deux parties. Dans la première partie, il leur est demandé d’attribuer des notes de moralité sur une échelle graduée de – 3 à 3. Un niveau de moralité moyen correspond donc à la note zéro. On demande aux participants la note qu’ils attribuent à leur propre personne, ainsi qu’aux végétariens et aux omnivores de façon générale. On leur demande aussi ce qu’ils pensent être la note de moralité qu’attribuent les végétariens aux végétariens et aux omnivores. Voici les résultats obtenus sur cette partie du questionnaire quand on fait la moyenne des notes données par les 47 répondants :

Note de moralité ? Réponses
Note que je m’attribue personnellement 1,60
Note que j’attribue aux végétariens en général 0,53
Note que j’attribue aux omnivores en général 0,21
Note que les végétariens attribuent aux végétariens selon moi 2,02
Note que les végétariens attribuent aux omnivores selon moi - 0,87

On constate que les participants s’attribuent une note de moralité personnelle largement supérieure à la moyenne (1,60). Ils n’ont pas une mauvaise opinion du niveau de moralité des végétariens (0,53), qu’ils situent même au-dessus de celui des omnivores (0,21). Au regard du but de l’étude, ce sont les deux dernières lignes du tableau qui importent le plus : les omnivores interrogés croient que les végétariens s’estiment très moraux (2,02) et qu’ils attribuent une note de moralité négative aux omnivores (- 0,87). Les participants sont donc persuadés que les végétariens se croient largement supérieurs à eux sur le plan moral.

Intéressons-nous maintenant à la seconde partie du questionnaire. Il était demandé aux participants de noter trois mots qui leur viennent à l’esprit quand ils pensent aux végétariens. Parmi les réponses, on trouve des mots neutres (tofu, riz, régime alimentaire…) et des expressions positives (dévoué, courageux, réfléchi…). Cependant, presque la moitié des participants (47%) incluent au moins un qualificatif négatif dans leur liste de 3 mots. Il s’agit parfois d’un trait physique (maigre, pâle, fatigué…). Le plus souvent, c’est le caractère des végétariens qui est dénigré (ennuyeux, arrogant, prétentieux, donneur de leçons, stupide, pointilleux, crispé, fou, buté… ). De plus, à partir des réponses individuelles des participants, Minson et Monin détectent une corrélation : plus les répondants croient que les végétariens s’estiment supérieurs aux omnivores, plus ils leurs attribuent des qualificatifs négatifs.

La première étude conduite par les auteurs montre donc deux choses : 1) beaucoup de mangeurs de viande ont une perception négative des végétariens ; 2) cette perception négative est liée à la conviction que les végétariens se croient moralement supérieurs aux omnivores.

Dans la seconde étude, les auteurs utilisent une autre méthode pour aborder le même sujet : une méthode qui ne comporte pas de question ouverte laissant place à des réponses hétérogènes.

2.2. Étude 2 : un dispositif astucieux pour rendre plus ou moins saillante la crainte du reproche moral

Dans l’étude 2, les participants sont 255 étudiants omnivores d’une grande université privée étasunienne. (Je suppose qu’il s’agit de Stanford parce que Monin y travaille.)

Tous sont invités à remplir exactement les mêmes questionnaires composés de 3 parties A, B et C. Ils sont néanmoins divisés en deux groupes. Le groupe 1 remplit les questionnaires dans l’ordre A, B, C, tandis que le groupe 2 les remplit dans l’ordre B, A, C.

La partie A du questionnaire est identique à la première partie du questionnaire de l’étude 1. Les participants sont invités à mettre des notes de moralité, notamment à dire ce qu’ils croient être l’appréciation des végétariens sur la moralité des omnivores et sur celle des végétariens. Les résultats sont similaires à ceux de l’étude 1 : les omnivores croient que les végétariens s’estiment largement supérieurs à eux. Pour cette partie du questionnaire, il n’y a pas de différence significative entre les réponses des deux groupes de l’étude 2.

La partie B du questionnaire demande aux participants de situer les végétariens sur plusieurs échelles graduées de 1 (maximum d’un défaut) à 7 (maximum de la qualité correspondante) : méchant - gentil ; stupide - intelligent ; mauvaise santé – bonne santé ; moralisateur – pas moralisateur ; sale – propre ; faible – fort ; prétentieux – humble ; immoral – moral.

On observe sur la partie B du questionnaire une différence entre les réponses des deux groupes. Le groupe 1, qui a rempli en premier la partie A (ordre A, B, C), note plus sévèrement les végétariens que le groupe 2 (ordre B, A, C). Les auteurs y voient une confirmation de l’effet du reproche moral anticipé. En effet, la seule différence entre les deux groupes est qu’on a rendu plus présente à l’esprit du groupe 1 l’idée que les végétariens se croient supérieurs, en leur demandant d’abord de s’interroger sur ce que les végétariens pensent d’eux. La menace pour leur identité morale étant davantage perçue, elle active le mécanisme de défense : ils dénigrent davantage les végétariens que les participants du groupe 2.

La partie C du questionnaire teste les attitudes des répondants envers la consommation de viande, à travers diverses questions, avec échelles graduées pour les réponses. Ces réponses sont ensuite mixées pour donner un indicateur unique. Voici des exemples d’ingrédients de la partie C. Donnez votre degré d’approbation des propositions suivantes : « Je suis tout à fait à l’aise avec ma consommation de viande » ; « Tuer des animaux pour les manger est cruel et injuste » ; « Je n’accorde aucune validité à la position défendue par les végétariens » ; « La viande est nécessaire à la santé », « Je suis parfois gêné de consommer de la viande ».

À la surprise des auteurs, les participants du groupe 1 (ceux à qui on a fait penser d’abord au jugement que les végétariens portent sur eux) ont un score d’attitude pro-viande plus bas que les participants du groupe 2. Une interprétation éventuelle de l’écart serait que les participants du groupe 1 s’étant davantage défoulés à dénigrer les messagers (les végétariens), ils ressentiraient moins le besoin de se défendre en contestant le message (mise en cause de la consommation carnée).

En résumé : l’étude 2 confirme qu’une partie des omnivores ont une appréciation négative des végétariens ; elle confirme le lien entre dénigrement des végétariens et conviction qu’ils se croient supérieurs aux omnivores ; elle ne fait pas apparaître d’impact d’une perception plus aiguë du reproche moral anticipé sur la disposition des omnivores à manger de la viande.

3. Détail d’un article de Earle et al. (2019) en lien avec l’infériorité morale

Dans « Eating with our eyes (closed) » Earle, Hodson, Dhont et MacInnis relatent deux études qu’ils ont menées auprès de résidents étasuniens omnivores (299 répondants pour la première et 280 pour la seconde).

Dans chacune des études, les participants sont divisés en deux groupes : un groupe auquel on présente la photo de plats carnés (des côtelettes d’agneau par exemple), et un groupe auquel on présente à la fois la photo des plats et la photo de l’animal dont provient la viande (les côtelettes et l’agneau vivant par exemple). Dans chaque étude, les participants des deux groupes sont soumis à une vaste batterie de tests que je ne détaille pas. (Les test sont partiellement différents dans les études 1 et 2.)

Les résultats montrent que le rappel de l’animal via sa photo influe sur les réponses : les participants expriment davantage d’empathie pour l’animal mangé, un degré supérieur de malaise à l’idée de consommer cet animal, et une moindre envie de manger de la viande. Les sentiments favorables à la considération des animaux sont donc activés par la photo de l’animal vivant.

On pourrait s’attendre à ce que, parallèlement, le sentiment anti-végétarien recule. Ce n’est pas le cas. La note d’appréciation attribuée par les participants aux végétariens est sensiblement la même dans le groupe qui voit simplement le produit, et dans le groupe qui voit à la fois le produit et l’animal dont il provient. Les auteurs sont prudents dans l’interprétation de ce résultat, et se contentent d’avancer une hypothèse qui demanderait à être vérifiée par des études complémentaires. Il est possible que l’appréciation portée par les omnivores sur les végétariens ne bouge pas parce que deux facteurs jouent en sens inverse et s’annulent mutuellement :

  • L’empathie et le malaise, activés par le rappel de l’animal, poussent à mieux considérer les végétariens. Cette conjecture est raisonnable, sachant que les deux études montrent que, de façon générale, le sentiment anti-végétarien est plus faible chez les omnivores qui se situent plus haut dans les échelles d’empathie et de malaise à l’idée de consommer des animaux.
  • Mais, simultanément, les omnivores exposés à la photo de l’animal deviennent plus conscients du mal qu’ils font en mangeant de la viande. Il se pourrait que cela les conduise à se sentir moralement inférieurs aux végétariens. Ce serait ce pénible sentiment d’infériorité qui, à l’inverse de l’effet précédent, accentuerait leur aversion pour les végétariens.

4. Résumé

J'indique ci-dessous les idées principales qui me semblent ressortir des travaux de Monin (2007) et Minson & Monin (2012). N’oublions pas cependant que les tests effectués ne portent que sur deux échantillons d’étudiants.

1) Les végétariens inspirent une certaine aversion à une partie des omnivores. (Ce fait a été mis en lumière, sous divers angles, dans tant de travaux autres que ceux décrits dans ce billet qu’il ne fait pas de doute.)

2) Tout auteur de pratiques guidées par des conviction morales risque d’être perçu comme une menace par ceux qui ne partagent pas ces convictions et/ou les comportements associés, parce qu’il les place en situation d’infériorité morale. Cette menace déclenche des réactions de défense (Monin, 2007). L’infériorité morale s’applique à des situations très différentes : lorsqu’elle occasionne un déplaisir, ce n’est pas forcément le signe que le sujet estime qu’un tiers est réellement meilleur que lui.

3) Monin et Minson (2012) ont testé avec succès l’hypothèse selon laquelle l’infériorité morale est l’un des facteurs explicatifs des sentiments négatifs des omnivores envers les végétariens. Ce que détectent les tests, c’est l’effet répulsif sur les omnivores de l’idée « les végétariens se croient meilleurs que nous ».

3) Notons au passage que le végétarisme est perçu par les omnivores comme une position morale. Minson et Monin ne soulignent pas ce point tant il doit leur sembler évident. Néanmoins, ils n’ont fait qu’interroger les participants aux tests sur une pratique. Le fait que ces derniers aient trouvé normal de mettre des notes différenciées sur des échelles de moralité indique que les omnivores associent le végétarisme à des convictions éthiques propres aux végétariens. La réaction aurait probablement été différente si des chercheurs avaient posé le même type de questions à propos de pratiques auxquelles les participants n’associent pas de connotation morale : le dessin ou la programmation informatique, par exemple.

5. Conclusion

Les travaux de Minson et Monin nous disent-ils quelque chose de l’impact de l’existence du végétarisme (en tant que pratique), ou de l’affichage de l’idée que la consommation d’animaux devrait disparaître (une opinion d’ordre éthique), sur l’attitude des omnivores envers la consommation de produits animaux ? Non, ils ne nous apprennent rien directement à ce propos. Le sujet est le rapport des omnivores aux végétariens et non leur rapport à la viande.

Néanmoins, les partisans de la combinaison d’une pluralité de méthodes pour parvenir à réduire, ou à supprimer, la consommation humaine de produits animaux se sentiront probablement confortés dans leur refus de tout miser sur la diffusion d’un argumentaire éthique, accompagné de la prescription adressée à chacun, ou à la société entière, de se plier à ce qu’exige l’éthique en question. Ont-ils raison de ne pas vouloir tout axer sur des considérations morales ? Les travaux évoqués dans ce billet ne permettent pas de l’assurer. Ils suggèrent toutefois que si cette dernière méthode suffisait à parvenir au but, ce serait bien que ce soit celle qui repose au maximum sur la proclamation par ses porteurs du « Nous sommes éthiquement plus compétents que vous », donc malgré l’effet aversif de cette attitude sur une partie du public visé.







Notes