Résumé : L’altruisme efficace est un mouvement jeune, qui a connu une expansion remarquable en peu d’années. Le présent article fournit quelques indications sur les traits généraux de ce courant de la philanthropie. Il s’attache ensuite à décrire ce que qu’il fait pour améliorer la condition animale, dans les deux domaines d’intervention qui sont les siens : bien-être des animaux d’élevage et bien-être des animaux sauvages.

Mots-clés : Altruisme efficace, bien-être animal, animaux d’élevage, animaux sauvages.




 



Le mouvement qui s’est auto-dénommé « altruisme efficace » compte parmi les acteurs de la cause animale. Avant d’en venir à ce qu’il fait dans ce domaine – qui n’est qu’un de ses secteurs d’intervention – quelques indications d’ordre plus général sont nécessaires pour le situer.

En amont de l’altruisme efficace : l’ère du philantrocapitalisme

Alors que jusqu’aux années 1970, on assistait à un mouvement de réduction des inégalités, la tendance s’inverse depuis les années 1980. La part des revenus et du patrimoine allant aux ultra-riches augmente sensiblement. Ceci s’accompagne d’un boom de la philanthropie pilotée par ces derniers, même si le phénomène n’est pas nouveau.

C’est le cas en particulier aux États-Unis. Ce pays se distingue de longue date par une ampleur des activités et ressources gérées par le secteur privé non lucratif qui n’a pas d’équivalent ailleurs. La philanthropie dans sa phase contemporaine y est parfois désignée sous le nom de « philanthrocapitalisme », un terme popularisé par Matthew Bishop et Michael Green en 2008 dans un livre intitulé Philanthrocapitalism: How the Rich Can Save the World.

Cette phase est marquée par l’augmentation du nombre de fondations, et de leur part relative dans l’activité caritative. On observe également une profusion d’initiatives destinées à stimuler la générosité, le développement d’intermédiaires en philanthropie dont la vocation est d’orienter les donateurs, ainsi que l’essor des formations, publications et centres de recherche consacrés à la bienfaisance.

Le philanthrocapitalisme se caractérise aussi par son discours. Il est truffé d’emprunts au vocabulaire de l’entreprise et à celui de la finance. La nouvelle philanthropie se veut businesslike (pris au sens laudatif) : innovation, construction et suivi rigoureux des projets, évaluation des performances, importance accordée aux résultats. Elle manifeste un attrait marqué pour les indicateurs chiffrés. On s’efforce de transposer au domaine caritatif les règles de sélection avisée des investissements, d’où le recours à des notions telles que le rendement social de l’investissement (l’investissement désignant ici la dépense charitable), ou l’analyse coût-efficacité (équivalent caritatif de l’analyse coût-bénéfice). On gomme volontiers la frontière entre secteur lucratif et non lucratif. Faire le bien, souligne-t-on, relève aussi du secteur marchand : les bienfaiteurs peuvent être des entrepreneurs mettant sur le marché des produits qui « rendent le monde meilleur », ou des dirigeants de sociétés attentifs à la responsabilité sociale des entreprises.

L’altruisme efficace : description succincte

La dénomination « altruisme efficace » a été forgée en 2011. Le mouvement qu’elle désigne n’est guère plus ancien. Il reste principalement anglo-saxon, même s’il tend à s’internationaliser : ses organisations les plus puissantes se trouvent aux États-Unis et en Angleterre, et c’est dans le monde anglophone que la vie intellectuelle y est la plus intense. L’altruisme efficace (AE) s’inscrit dans l’ère philanthrocapitaliste, dont il reprend les usages et le langage, à commencer par le discours sur l’efficacité, et la conviction d’incarner un état d’esprit radicalement neuf : fini la vieille charité poussive et sentimentale, place à la rationalité dans l’extraction et l’allocation des ressources altruistes ! On y retrouve une forte dépendance à des donateurs fortunés, tant pour le financement des organisations de l’AE proprement dites, que pour l’argent déplacé sur leurs conseils en direction des causes et associations qu’elles recommandent. Mais l’AE présente aussi des traits qui lui sont propres.

L’AE est un milieu acquis à l’éthique utilitariste. De ce fait, la maxime par laquelle il se définit – « User de la raison et des connaissances disponibles pour faire le maximum de bien » – renvoie à une conception du bien commune à ses membres. Celle-ci a de surcroît la propriété remarquable qu’on peut parler d’une quantité de bien : c’est la quantité de bonheur ou de bien-être déduction faite des peines. Maximiser le rendement de l’investissement altruiste acquiert de ce fait un sens aussi précis que maximiser le rendement de l’investissement financier. Dans les deux cas, c’est une grandeur homogène et quantifiable (le gain monétaire dans un cas, le gain hédonique dans l’autre) qui est le résultat de l’action. Certes, l’hédomètre n’existe pas : on ne sait pas mesurer la quantité de bonheur produite ou de souffrance évitée. Mais les altruistes efficaces (AEs) sont confiants dans la possibilité de progresser dans son évaluation. C’est l’idée qui sous-tend le domaine de recherche qu’ils nomment « priorisation des causes » : à terme, on serait en mesure de hiérarchiser les causes en repérant celles où, à investissement altruiste égal, on produit le plus de bien.

L’AE est un mouvement social. Il s’agit d’une véritable communauté, pas d’une simple juxtaposition d’organisations artificiellement réunies sous un même label. Il existe une forte circulation des personnes et des informations entre ses différents pôles. L’AE attire des sympathisants et participants à travers toutes sortes de dispositifs : colloques, groupes locaux, publications, réseaux sociaux, sites. Les prescriptions générales de l’AE s’adressent à tous : se montrer plus généreux, ne pas négliger les besoins des êtres qui nous sont lointains, allouer son temps et son argent de la façon la plus productive de bien. Néanmoins, sa composition sociale est loin d’être représentative de l’ensemble de la population. Il attire surtout des personnes jeunes et hautement diplômées, ou en voie de l’être. Ses groupes locaux sont, pour beaucoup d’entre eux, implantés dans des universités, notamment les plus prestigieuses. La densité d’AEs est particulièrement élevée dans quelques villes et zones urbaines : baie de San Francisco, Londres, New York, Boston, Berlin, Oxford. L’AE compte de nombreux universitaires et chercheurs dans ses rangs. Pour l’heure, il s’agit surtout d’un mouvement bien implanté dans l’élite, et future élite, économique et intellectuelle. Cette composition sociale se reflète dans l’activité du mouvement, qui se trouve richement doté en personnes aptes à produire des études, rapports, et autres travaux de recherche. Parmi les organisations de l’AE, on trouve bon nombre d’intermédiaires en philanthropie. Ils offrent des conseils de divers types : conseils aux futurs diplômés sur les carrières permettant de faire beaucoup de bien, conseils aux donateurs sur les destinations efficaces de leur argent, conseils en création d’associations efficaces. L’un de ces intermédiaires, Open Philanthropy (OP), est à la fois un centre privé de recherche sur les meilleurs placements altruistes et un grand pourvoyeur de financements. Il distribue l’argent de la fondation Good Ventures, créée par Cari Tuna et Duskin Moskovitz, un couple de milliardaires entièrement acquis à l’AE.

Un milieu qui accorde de l’importance à la condition animale

Le bien-être animal est l’une des trois causes principales soutenues par le mouvement de l’AE. Les deux autres sont la pauvreté humaine (aide aux personnes démunies du tiers-monde) et le futur lointain. Le « futur lointain » renvoie au souci de prévenir les « risques existentiels » (événements provoquant, au pire, l’extinction de l’espèce humaine), et de permettre l’épanouissement terrestre et extra-terrestre d’innombrables générations futures d’êtres humains et post-humains. On s’en tiendra dans cet article à ce qui relève de la cause animale.

Il est certain que les sympathisants de l’AE sont plus sensibles que la moyenne au sort des animaux. Un sondage est effectué annuellement dans les réseaux du mouvement. En 2019, 46 % des répondants se sont identifiés comme végétariens ou végétaliens, et 19 % d’entre eux ont déclaré être donateurs à la cause animale.

Plusieurs organisations de l’AE travaillent spécifiquement dans ce domaine. Toutes ont une activité de type think tank : elles étudient les voies susceptibles d’améliorer la condition animale. C’est la vocation exclusive de certaines d’entre elles, par exemple le Sentience Institute (fondé en 2017). D’autres combinent ce travail avec une activité d’allocation de financements à des organismes jugés efficaces dans la défense des animaux. C’est le cas de la plus ancienne d’entre elles, Animal Charity Evaluators (ACE), créée en 2012, qui s’adresse aux donateurs. ACE évalue des associations animalistes et recommande un petit nombre d’entre elles, jugées particulièrement performantes. Il propose par ailleurs aux donateurs de verser de l’argent sur des fonds qu’il gère, en lui déléguant le soin de l’employer au mieux. Le département « bien-être animal » d’OP (créé en 2015) est pour sa part chargé de répartir les financements destinés à la cause animale de la fondation qui l’alimente.

Certaines organisations de l’altruisme efficace ne se consacrent pas exclusivement à la question animale mais y affectent une part conséquente de leurs ressources. C’est le cas de Charity Entrepreneurship, une structure d’accompagnement à la création d’associations dans des secteurs jugés prometteurs. Rethink Priorities en est un autre exemple : ce think tank fournit depuis 2018 un travail de recherche important sur les questions de bien-être ou de sentience des animaux.

L’altruisme efficace animalier (AEA) saisit avant tout les animaux en tant qu’êtres dont il faut réduire la souffrance. Le choix de ses secteurs d’intervention est guidé par la quantité de souffrance que l’on peut espérer éviter : soit en empêchant la venue au monde d’êtres destinés à souffrir, soit en améliorant leurs conditions d’existence.

L’AEA est présent seulement dans deux domaines : d’une part, la lutte contre l’élevage industriel et l’effort concomitant pour freiner la consommation de produits d’origine animale ; d’autre part, le bien-être des animaux sauvages. Il contribue par ailleurs à la réflexion du mouvement animaliste sur des questions d’ordre général (Que peut-on apprendre d’autres mouvements de justice sociale ? Quelles méthodes ou combinaison de méthodes employer pour progresser ? Etc.)

Lutter contre l’élevage industriel, limiter la consommation de produits animaux

L’AEA se soucie des animaux d’élevage depuis qu’il existe. C’est à leur protection qu’il consacre le plus de moyens. L’approche de l’AEA est de type welfariste ou welfariste-abolitionniste, dans la ligne de la pensée de Peter Singer.

L’AEA a concentré ses efforts sur les domaines où de très nombreux animaux sont soumis aux conditions d’élevage les plus dures. Les associations qu’il soutient sont notamment mobilisées contre l’élevage de poules pondeuses en cage et celui de poulets à croissance rapide.

Focalisé au départ sur les seuls animaux terrestres, l’AEA a élargi depuis quelque temps ses préoccupations à la pisciculture. Il cherche désormais à déterminer les évolutions des conditions d’élevage pouvant réduire le mal-être des poissons, tout en ayant des chances d’être revendiquées avec succès par la protection animale (une meilleure régulation de la quantité d’oxygène dans les bassins par exemple). Ce tournant s’est notamment traduit en août 2019 par la création d’une organisation spécifiquement consacrée à ce domaine : Fish Welfare Initiative.

La volonté de faire reculer la consommation de produits animaux est une constante de l’AEA. Mais il s’est produit au fil du temps un déplacement dans les méthodes sur lesquelles il met l’accent pour y parvenir. ACE a débuté sa carrière par un chiffrage du ratio coût-efficacité de la promotion du véganisme via des tracts, livrets ou publicités en ligne qui faisait miroiter des résultats mirifiques. Il reposait sur une méthodologie douteuse qui lui a valu une critique cinglante (cf. Nathan, 2016). Par la suite, ACE s’est replié sur une position très prudente sur le sujet. Les altruistes efficaces animaliers (AEAs) ont assez vite acquis la conviction que l’approche institutionnelle a davantage de portée que l’approche individuelle. L’approche dite institutionnelle consiste à provoquer des changements de l’offre ou du cadre légal. On facilite la transition vers des comportements moins nocifs en modifiant le contexte dans lequel évoluent les consommateurs, plutôt que de trop compter sur le sursaut moral individuel à environnement inchangé.

Les associations soutenues par l’AEA s’investissent fortement dans le corporate outreach – l’action en direction des entreprises afin qu’elles cessent de s’approvisionner auprès des pires formes d’élevage, ou qu’elles accroissent leur offre de produits ou menus végétaliens.

L’AEA apporte également son soutien aux secteurs de la foodtech qui s’emploient à offrir des substituts réellement similaires aux produits animaux, qu’il s’agisse de produits à ingrédients végétaux ou des futurs produits de l’agriculture cellulaire. Les AEAs sont persuadés que ces nouveaux aliments contribueront à rendre obsolète la viande issue d’animaux (cf. Playoust-Braure, 2019). Ils utilisent intelligemment le fait qu’ils sont particulièrement aptes à favoriser leur essor. C’est typiquement un domaine où une conception de la philanthropie incluant le secteur marchand constitue un atout. L’AE est bien implanté en Californie, où la densité d’entreprises développant des alternatives innovantes aux produits animaux est la plus élevée au monde. Certains acteurs de ces entreprises appartiennent eux-mêmes au cercle de l’AE. Le volet associatif n’est pas oublié. ACE a promu The Good Food Institute (GFI) top charity (le plus haut grade dans les associations recommandées aux donateurs) l’année même de sa création. GFI se donne pour mission de soutenir et de mettre en relation tous les acteurs impliqués dans le développement des substituts-similaires : créateurs d’entreprises, chercheurs, firmes de l’agroalimentaire, distributeurs, pouvoirs publics.

À partir de 2016, et de façon croissante jusqu’à nos jours, l’AEA engage ses forces pour tenter d’endiguer la montée de la consommation de produits animaux hors des pays riches, en particulier dans les grandes économies émergentes. Car c’est de là que vient l’explosion de la consommation mondiale. Des études sont menées sur ces pays. OP commence à financer des associations et instituts de recherche centrés sur l’action en direction de la Chine. ACE classe top charities des organisations d’origine étasunienne ou européenne qui ont internationalisé leur action. GFI, par exemple, est désormais présent au Brésil et en Inde. À partir de 2018, ACE inclut des associations d’origine latino-américaine parmi les organisations recommandées aux donateurs ; une association indienne vient s’y ajouter en 2019 et une organisation opérant en Chine en 2020. À terme, l’objectif jugé primordial est de parvenir à infléchir la tendance chez les géants que sont la Chine et l’Inde. Il est trop tôt pour dresser un quelconque bilan des efforts de l’AEA sur ce projet ambitieux.

Réduire la souffrance des animaux sauvages

L’AEA est entièrement acquis à la pensée « RWAS » (reducing wild animal suffering). Celle-ci existe sous sa forme moderne depuis les années 1980. Elle peut être sommairement caractérisée par l’attention portée à la souffrance animale d’origine non humaine (maladies, parasitisme, prédation, faim, etc.) et la conviction qu’il est du devoir des humains de chercher à y remédier.

Le domaine a été très largement occupé jusqu’ici par des éthiciens. Au fil du temps, s’est installée une routine conduisant à broder sans fin sur quelques thèmes : évoquer les horreurs de la vie sauvage ; montrer l’inanité des objections à l’intervention dans la nature pour le bien des animaux ; marquer au maximum la distance entre la pensée RWAS d’un côté, et la pensée écologiste ou « conservationniste » de l’autre, en soulignant que la première est attentive au sort des individus sentients, tandis que la seconde idolâtre des entités dénuées d’intérêts propres telles que la nature, les espèces, les écosystèmes ou la biodiversité.

Pendant que fleurissaient les écrits de ce type, les questions « Que faire concrètement ? » ; « Comment s’assurer qu’une intervention ne fait pas plus de mal que de bien ? » ; ou simplement « Qu’entreprendre précisément pour espérer pouvoir un jour proposer des interventions solidement fondées ? » recevaient relativement peu d’attention : soit on n’en disait rien ou peu de choses, soit on se projetait dans des scénarios futuristes où la prédation et autres misères disparaissaient grâce à la reprogrammation des espèces par le génie génétique.

Ajoutons que dans les années 2010, l’idée selon laquelle il y aurait une écrasante prédominance de la souffrance sur le bonheur dans la nature s’est très largement répandue dans le milieu RWAS.

Les organisations de l’AEA consacrées aux animaux sauvages sont de création récente. Les deux premières, apparues en 2017, ont fusionné en janvier 2019 pour former Wild Animal Initiative (WAI). On dispose donc de peu de recul pour apprécier le travail des AEAs dans ce domaine. Il se pourrait, au vu des publications disponibles, qu’ils apportent un souffle neuf.

Tout d’abord, les AEAs ont fortement conscience qu’on a grand besoin des scientifiques, plutôt que des philosophes, pour donner corps à la « biologie du bien-être » (une discipline dont l’économiste Yew-Kwang Ng préconisait la création dans un article de 1995).

D’autre part, en juin 2019, Abraham Rowe, alors directeur de WAI, a fait valoir l’intérêt de collaborer avec les conservationnistes. Il a par ailleurs déploré le penchant à les dépeindre comme un groupe homogène, dont les valeurs seraient en tout point incompatibles avec celles du courant RWAS.

Enfin, plusieurs acteurs du pôle de l’AEA tourné vers le bien-être des animaux sauvages ont déclaré ne pas adhérer à la thèse de la prédominance de la souffrance, préférant adopter une position agnostique sur le sujet. Ajoutons que Yew-Kwang Ng, qui fut le premier, en 1995, à proposer un modèle théorique concluant à la prédominance de la souffrance, a cosigné en 2019 avec Zach Groff un article indiquant que le modèle initial contenait une erreur, et soutenu sur la base d’un modèle révisé qu’on ne peut rien conclure à ce sujet (Footnote: Zach Groff et Yew-Kwang Ng ne sont pas en poste dans des organisations travaillant sur les animaux sauvages mais tous deux sont engagés dans le mouvement le l’AE.).

Se montrer affirmatif ou pas sur la question du solde hédonique global dans la nature n’a rien de secondaire. Logiquement, des utilitaristes, qui n’accordent pas de valeur intrinsèque à la biodiversité, doivent envisager avec faveur l’idée de faire disparaître des catégories d’êtres chez qui la souffrance surpasse le bonheur. La question n’est pas purement théorique. Car il est possible, sinon d’éliminer les animaux sauvages, du moins de réduire leur nombre, notamment en amenuisant ou dégradant leur habitat. Lorsqu’on admet ne pas savoir si, globalement, la vie de ces animaux vaut d’être vécue, il n’est plus évident que raréfier la vie sauvage soit une bonne chose.

Il est possible que pendant un temps long, l’essentiel du travail de WAI (et de Rethink Priorities) consiste à rassembler les connaissances disponibles sur la vie des animaux sauvages saisie sous l’angle du ressenti subjectif, et à tenter de trouver des alliés dans le monde scientifique. Néanmoins, WAI explore aussi des pistes d’intervention envisageables, sans se focaliser sur les causes de souffrance d’origine non humaine. Un projet souvent cité est celui des insecticides sans cruauté (humane insecticides). Les AEAs sont en effet à l’avant-garde pour ce qui est de la prise au sérieux du sort des insectes – ces êtres possiblement sentients et immensément plus nombreux que les vertébrés.

L’altruisme efficace : un gisement d’études et de projets

Les organisations de l’AEA comptent très peu d’années d’existence. En un laps de temps si court, elles ont fait preuve d’une productivité remarquable. C’est que le milieu de l’AE est riche, et pas seulement de l’argent qu’il reçoit et affecte. Il est riche en talents, en personnes capables et motivées. Il est riche d’une culture interne qui incite à l’acquisition de connaissances, à la soumission de projets ou d’idées, à leur discussion constructive, et qui est ouverte à l’écoute des critiques qui s’expriment.

Il ne s’en déduit pas que l’on doive accepter les yeux fermés toutes les propositions qui en émanent. Il n’y a pas lieu de croire que l’AE relève de la rationalité pure, et que l’intuition, les amitiés, et autres influences sociales n’y jouent aucun rôle. On ne sera pas forcément ébloui par chacun de ses exercices de quantification du bien accompli, ou des filons de bien à exploiter. On peut se sentir proche ou éloigné de l’éthique utilitariste.

Mais on aurait tort de rejeter en bloc l’AE parce qu’on n’en partage pas entièrement la philosophie. On aurait tort de lui tourner le dos parce qu’on est de la famille qui se bouche le nez dès qu’elle flaire une proximité avec « le capitalisme » ou « les riches ». Jugeons plutôt sur pièce. Prêtons attention à ce jaillissement d’initiatives et travaux de recherche. Voyons, parmi les ressources que l’AE met à notre disposition, celles qui nous sont utiles là où nous sommes, et là où il nous semble juste d’aller.


Références

GROFF Zach et NG Yew-Kwang. « Does Suffering Dominate Enjoyment in the Animal Kingdom? An Update to Welfare Biology »,Biology & Philosophy 34 (4), août 2019.

NATHAN Harrison. « The Actual Number is Almost Surely Higher », Medium, 9 décembre 2016. [En ligne]

NG Yew-Kwang. « Towards Welfare Biology: Evolutionary Economics of Animal Consciousness and Suffering », Biology and Philosophy 10 (3), 1995.

PLAYOUST-BRAURE Axelle. « Garder la viande pour mieux se débarrasser du meurtre ? », Les Cahiers antispécistes n° 42, mai 2019. [En ligne]

REUS Estiva. L’Industrie du bien : philanthropie, altruisme efficace et altruisme efficace animalier, Les Cahiers antispécistes n° 43, août 2019. [En ligne et en ebook]

ROWE Abraham. « Beausoleil et Al. Show the Value of Collaboration Between Wild Animal Welfare Advocates and Conservationists », site de Wild Animal Initiative, 6 juin 2019. [En ligne]

SINGER Peter. L’Altruisme efficace, Les Arènes, 2018.


Sites

Animal Charity Evaluators

Centre for Effective Altruism

Fish Welfare Initiative

Rethink Priorities (voir la section « Publications »)

Sentience Institute

Wild Animal Initiative






Notes

Notes :